TRACES ET LIEUX DE MEMOIRE DE LA RECHERCHE MEDICALE EN AFRIQUE.
Anthropologie des paysages, des ruines et des artefacts scientifiques
Il porte sur les « lieux de mémoire » de la recherche biomédicale en Afrique : sur la manière dont les traces de son passé sont commémorées, effacées ou appropriées au sein des institutions, des populations et des paysages africains. En combinant ethnographies et travail d’archives, le projet se concentre sur l’études des traces matérielles et des pratiques de remémoration et d’oubli associées à trois stations de recherche médicale d’Afrique sub-saharienne. Situés dans d’anciennes colonies françaises, allemandes et britanniques, les sites d’Ayos (Cameroun), de Muheza/Amani (Tanzanie) et de Niakhar (Sénégal) ont en commun une histoire qui conjugue, au passé proche ou lointain, des moments de gloire, de délabrement, de rénovation et d’espoir.
Ces trois sites feront l’objet d’enquêtes organisées autour de trois axes méthodologiques transversaux. Le premier, « ruines & rénovation », s’intéresse aux traces matérielles de la recherche, qui font de ces stations de véritables archives : des lieux où se dépose la mémoire des pratiques scientifiques passées, et où différentes époques scientifiques et politiques se sont succédées, superposées ou entrechoquées. Le second, « mémoire vivante & amnésie », explore comment les communautés impliquées dans la recherche habitent, décrivent, ignorent ou méconnaissent les marques des recherches passées. Le troisième, « le travail de mémoire », étudie les formes actives de constitution, de mise en forme, de conservation et de contestation d’une mémoire de la recherche médicale.
En enquêtant sur les traces du passé à travers les bâtiments, les documents, les archives, les pratiques et les récits qui leur donnent une existence concrète, il s’agira d’exhumer les histoires politiques et matérielles de ces trois laboratoires de terrain. Il s’agira de préciser comment leur passé fait l’objet d’investissements affectifs que façonnent leur forme présente ; de décrire comment les pratiques sociales, dans le quotidien des institutions médicales et scientifiques, sont tissées du souvenir et de l’oubli du passé.
En travaillant sur ces exemples, le projet a l’ambition d’éclairer la manière dont les pratiques de la santé publique internationale ont évolué au gré des visions coloniale, développementiste et néolibérale de l’Afrique, et de montrer comment l’histoire de la science médicale a marqué de son empreinte les paysages, les institutions, les mémoires et les corps africains. Fondé sur la collaboration et la comparaison, ce projet vise donc à apporter une contribution riche à l’histoire impériale et post-coloniale, à la sociologie des sciences, à l’anthropologie des modernités africaines et l’éthique de la recherche médicale transnationale.